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  • : TRAIT D'UNION 38 La Mure
  • : Notre association Trait d’Union (loi 1901) et ce blog regroupent de simples administrés partageant une volonté commune : s’impliquer dans la vie de la cité et du plateau matheysin . Considérant que la politique et la démocratie ne sont pas seulement l’affaire des élus, par simple délégation électorale de pouvoir, mais aussi celles des citoyens, nous entendons suivre les décisions prises dans les instances communales officielles.
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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 11:48

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A deux pas du parc national des Ecrins, un projet de microcentrale hydroélectrique sur La Bonne, au lieu-dit La Praz, fait des vagues à Valjouffrey.

A l’évidence, il n’a pas été annoncé avec tambours et trompettes : juste quelques lignes discrètes, dans le bulletin municipal d’ordinaire plus prolixe, peu avant l’ouverture de l’enquête publique le 12 novembre 2012. Une période où les habitants des résidences secondaires, majoritaires dans la commune, sont rares ou ont plié bagages. Et ce, alors que la Bonne pourrait obtenir, courant 2013, un nouveau classement au code de l’environnement qui la rendra intouchable. 

Ce projet est avancé par la société privée VALHYDRAU. Son dirigeant, aujourd’hui retraité,  producteur d’électricité en 2004 à Chancelade (Dordogne),  a occupé un poste de cadre à Gaz et Electricité de Grenoble. Coût estimé du projet: 1 300 000 euros. Il se présente comme la réhabilitation de  l‘ancienne microcentrale communale désaffectée. Il est en fait un nouvel équipement qui sera construit à un kilomètre du vieux bâtiment initial. Après avoir essuyé le refus des diverses autorités administratives en 2008, il a fini par recevoir fin 2012, de révision en révision, un avis favorable de la commission locale de l’eau et  l’aval de l’autorité environnementale, notamment.

Le projet est ardemment soutenu par le maire de Valjouffrey et son conseil municipal. Les élus ont donné toutes les autorisations nécessaires à Valhydrau pour le montage de son projet. Ils  y voient pour la commune les bienfaits d’une source d’énergie « verte » pouvant pallier, soit-disant, les pannes éventuelles du réseau EDF,  une taxe foncière de plus, et les avantages financiers promis par le gérant de Valhydrau   (une redevance annuelle représentant 5% du montant global du chiffre d’affaires de la société, hors taxes). Soit quelque 11 000 euros par an. Ces promesses sont-elles garanties et seront-elles tenues ? Question qui renvoie aux difficultés financières des communes, rurales notamment, à l’affût de ressources pour faire face à leurs besoins de fonctionnement et d’investissement. Le budget  de rigueur 2013 soutenu par le gouvernement va réduire encore les moyens accordés aux collectivités locales. Il  n’est sans doute pas de nature à répondre à ces besoins.


Poissons dans l’eau


En l’affaire, l’avocat qui défend Valhydrau est dans son élément comme un poisson dans l’eau: son père est dirigeant d’un groupe de sociétés, propriétaire de quelque 26 microcentrales en France, dont une en Corse. Une des sociétés du groupe a été condamnée en 2012 par le tribunal correctionnel d’Epinal pour assèchement de rivière. Elle a fait appel du jugement comme pour d’autres cas semblables par ailleurs. Cet avocat, spécialiste du droit fiscal et de l’environnement, est notamment aussi délégué pour la région Est du syndicat patronal FRANCE HYDRO ELECTRICITE.

France Hydro Electricité regroupe les patrons et professionnels de la microélectricité (propriétaires de microcentrales, acheteurs d’électricité,  banques, fournisseurs de matériels etc..),  Ses adhérents exploitent aujourd’hui plus de 500 centrales réparties sur tout le territoire français  (soit 18 % de la puissance hydroélectrique en France). Ce syndicat national prône une multiplication des microcentrales et n’apprécie guère le classement protecteur des rivières qu’il estime trop restrictif et  injustifié souvent. Il est représenté dans les comités de bassin et des commissions locales de l’eau. Il est également membre d’autres organisations patronales : l’Union Française de l’Electricité, le Syndicat des Energies Renouvelables, et l’association ESHA au niveau européen.

France Hydro Electricité compte dans son conseil d’administration le gérant de la société EREMA. Société  choisie par Valhydrau pour assurer la maintenance et surveillance informatique à distance de sa future microcentrale à Valjouffrey. Le dirigeant d’EREMA a plus d’un titre à son arc: conseiller municipal à Herbeys, président du syndicat intercommunal des eaux de Casserousse (Isère), administrateur de l’association pour la promotion des énergies renouvelables AGEDEN.  Il s’enorgueillit également de représenter le Syndicat des Energies Renouvelables au débat sur la transition énergétique organisé actuellement par le gouvernement. Ce syndicat patronal défend les intérêts des entreprises impliquées dans les diverses énergies renouvelables (10 milliards d’euros de chiffre d’affaires au 1er  décembre 2012).

La Bonne prend sa source dans le Parc National des Ecrins, sur la commune de Valjouffrey, au versant sud-ouest de l'aiguille d'Olan. Elle se jette dans le Drac au sud de La Mure, entre le barrage de Saint-Pierre-de-Méaroz et le pont de Ponsonnas. Elle supporte déjà plusieurs aménagements : chute EDF du canal du Beaumont, microcentrale privée d’Entraigues et celle du pont du Prêtre, adduction de Pont Haut (aménagement EDF de Saint-Pierre-Cognet). Elle subit aussi l’absence de traitement pour les effluents des villages composant la commune de Valjouffrey.

Avec ce nouveau projet, les pêcheurs redoutent notamment une perturbation de la montaison des truites fario. Dans l’attente du prochain classement de la Bonne, ils sont donc hostiles au projet. Les associations FRAPNA et DRAC NATURE aussi, de même que des particuliers défenseurs de l’environnement, soucieux de préserver l’intégrité du Parc des Ecrins à proximité.

L’enquête publique s’est clôturée le 11 janvier 2013. Le commissaire-enquêteur rendra prochainement son avis. Le préfet, seul décisionnaire en dernière instance, tranchera ensuite.


Interrogations


Qui remportera cette bataille, aux enjeux à la fois environnementaux, politiques et financiers ? A surveiller…

Reste aussi à s’interroger sur l’opportunité de ce projet précipité, avancé sans réel débat public. Il suscite des questions. Notamment sur les recettes communales envisagées et leurs garanties, sur ses conséquences environnementales et sur les normes de sécurité  prévues aux abords de la microcentrale. Le projet n’indique pas de permanence sur le terrain. Qu’adviendrait-il si l’ouverture automatique du barrage faisait défaut ?

La France compte de nombreuses microcentrales (communales, d’EDF ou privées). Pour certains, ce mode de production d’électricité, paré de toutes les vertus écologiques, représente « une alternative au nucléaire » et doit être amplifié. A voir. Si tous les sites restants en étaient équipés, on obtiendrait une part infime (0,0 5% environ) de l'énergie électrique utilisée actuellement.

De surcroît, les microcentrales donnent lieu très fréquemment à des procès pour assèchement des  rivières dans diverses régions françaises. Est-ce vraiment une nécessité de  risquer une perturbation du milieu naturel, à quelques mètres du parc national des Ecrins, notamment la vie d’une des dernières colonies de truites fario, pour un bénéfice communal, somme toute aléatoire, qui profiterait essentiellement au promoteur du projet ?  Ces truites endémiques, parfaitement  adaptée à la Bonne, sont les seules à pouvoir se reproduire et se perpétuer dans les conditions très particulières et difficiles de ce torrent de montagne. Des loutres y vivaient encore au début du siècle dernier. Elles ont aujourd’hui disparu.

En outre, il  convient de  rappeler que les énergies renouvelables, créneau d’avenir inévitable, sont déjà payées par les usagers d’EDF qui s’est positionnée sur ce secteur (8, 4% de l’énergie produite par EDF dont 4,6% hydraulique).

De plus, cette filière est largement subventionnée par des fonds européens et permet aux entreprises privées de bénéficier d’aides financières des pouvoirs publics. Ce qui aiguise les appétits des investisseurs et industriels, comme pour  les barrages EDF de notre territoire installés sur le Drac: plusieurs concessions doivent bientôt être livrées à la loi européenne de la concurrence et du profit. Depuis 2007,  EDF s’est doté d’un fonds pour la  rénovation de ses barrages (560 millions d’euros). De gros groupes internationaux sont candidats au rachat des concessions, vivement intéressés par la bonne affaire. S’ils parvenaient à leurs fins, que seraient l’unité et l’indépendance de la politique énergétique nationale ?  Sans oublier les enjeux en matière d’emplois, sécurité, environnement et  hausse des tarifs de l’électricité pour les usagers.

Dossiers à suivre avec l’attention qu’ils méritent.

 

 





 

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